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L’autoédition a-t-elle de l’avenir ? (1/2)

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Le titre de l’article est volontiers provocateur.

Portée par la révolution du numérique, l’autoédition est en plein essor. Aujourd’hui, tout le monde peut être un écrivain publié et vendre des livres sur Internet. Inimaginable il y a seulement vingt ans, cette possibilité est selon moi un progrès formidable car elle donne une grande liberté et permet à beaucoup de réaliser un rêve.

Cependant, quand on fait un constat lucide et lorsqu’on songe aux perspectives d’avenir de l’autoédition, la réalité est finalement bien terne. Hormis une poignée d’auteurs autoédités qui rencontrent du succès, l’immense majorité des livres autoédités ne se vend pas, personne n’en parle et ces livres tomberont peu à peu dans l’oubli éternel. Alors oui, j’ai souvent écrit que le succès n’était pas une fin en soi, que beaucoup d’auteurs autoédités ont pour simple ambition de vendre des dizaines d’exemplaires de leurs livres (à leurs proches et amis principalement) mais on peut tout de même s’interroger sur l’impact de l’autoédition sur l’industrie du livre et sur son apport à la littérature.

« L’immense majorité des livres autoédités ne se vend pas »

À qui profite l’autoédition ?

  1. Indéniablement à Amazon, Kobo et toutes les plateformes d’autoédition et également aux chanceux et/ou talentueux auteurs autoédités qui connaissent du succès.
  2. Aux lecteurs ? Je n’en suis pas sûr. Certes, les livres autoédités sont généralement moins chers et l’offre de livres est plus importante mais un lecteur recherche un bon livre, qu’il soit autoédité ou non, je ne suis pas certain que le prix soit un élément déterminant.
  3. Aux auteurs autoédités ? Certes ils réalisent un rêve (ce qui est déjà bien) et se constituent un lectorat (même réduit) mais c’est à peu près tout. Dans l’immense majorité des cas, un auteur autoédité publie son livre, fait beaucoup de pub dessus, enregistre des ventes (plus ou moins importantes) mais trois mois après (six mois pour les plus chanceux), il ne se passe plus rien, le livre a vécu et est tombé aux oubliettes. Bilan de l’aventure de l’autoédition ? Des dizaines de ventes, une dizaine d’euros de gagnés, 1 ou 2 commentaires clients. Que s’est-il passé ? Rien. Apport pour l’industrie du livre ? Aucun (sauf pour Amazon et consorts). Apport pour la littérature ? Aucun (car même si le livre en question est un chef-d’œuvre, personne ne l’aura lu).
TOP100

Combien de livres autoédités dans le TOP100 ?

Dans ces conditions, on voit bien que l’autoédition n’a pas vocation à transformer l’industrie du livre et le secteur de l’édition. Mais à l’avenir ? Est-elle une menace pour les éditeurs traditionnels ? Une opportunité ?

Qui est menacé par l’autoédition ? Pas grand-monde.

  1. Pas les éditeurs traditionnels. La quasi-totalité des auteurs autoédités n’auraient jamais été publiés par un éditeur traditionnel (d’une part parce que beaucoup de livres autoédités sont « mauvais » et d’autre part parce que ces livres présenteraient trop de risques : aucun éditeur ne serait prêt à investir sur de tels livres). Et comme je le disais précédemment, je ne pense pas qu’un lecteur se détournera de l’édition traditionnelle pour l’autoédition : il veut simplement lire un bon livre, quel que soit l’éditeur.  
  2. Les auteurs établis et jouissant d’une grande notoriété non plus. Je pense qu’au contraire, seuls les auteurs célèbres pourraient profiter de l’autoédition : ayant un lectorat considérable, ils seraient à mon sens capables de publier leurs ouvrages sans passer par une maison d’édition et de rencontrer du succès. Reste à savoir si les contrats les liant à leurs maisons sont suffisamment intéressants et si les auteurs considèrent que ces dernières ont une valeur ajoutée indispensable (relecture, correction, promotion…) pour se passer d’elle ou pas.

voyante-boule-cristal

« L’autoédition deviendra de moins en moins attractive. »

À la lumière de ce constat, on ne peut que prédire un essoufflement de l’autoédition, qui continuera vraisemblablement à vivre dans son coin, isolée et sans influence. Des auteurs à succès continueront probablement d’émerger mais l’autoédition deviendra de moins en moins attractive.

Cependant, il n’y a pas de fatalité à la marginalisation de l’autoédition. Celle-ci peut devenir réellement attractive si elle parvient à se transformer et à se renouveler. Comment ? Réponse dans la deuxième partie à venir.

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9 Commentaires

  1. Jacques-Line Vandroux

    6 juillet 2014 à 18 h 19 min

    Même si tout cela n’est pas faux, il faudrait mettre en parallèle aussi le nombre de livres édités qui ne se vendent pas!
    Puisque moins de 1% se vend à plus de 1000 exemplaires, il y a de ce côté là aussi beaucoup de déçus!!
    Sans parler de tous ceux qui ont tenté l’aventure de l’édition et dont le manuscrit n’a même pas été lu (un manuscrit sur 600 sélectionné? et combien de bons livres rejetés dans le lot?))

    Quant à l’essoufflement que tu prédis, ça n’a pas l’air de se passer comme ça aux États Unis! Reste à savoir si la France suivra le même chemin.

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    • thibaultdelavaud

      6 juillet 2014 à 19 h 44 min

      Il est vrai qu’être publié dans l’édition traditionnelle n’est pas gage de succès pour autant mais disons que le livre aura eu davantage de « chances » mises de son côté. Quant à l’essoufflement, il y aura essoufflement si l’autoédition ne se transforme pas, je développerai tout cela dans la 2eme partie… :-)

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  2. Alan Spade

    7 juillet 2014 à 13 h 27 min

    Bonjour,

    Connaissez-vous l’article http://authorearnings.com/reports/the-50k-report/ ?

    Il faut savoir que les grands groupes de l’édition tirent en premier lieu leurs revenus de la vente dans les pays anglo-saxons. Amazon représente environ 60% des ventes totales de livres là-bas, et la vente d’ebooks y est majoritaire pour la littérature de fiction.

    Dans le rapport en lien, qui porte sur les ventes Amazon, sur 11000 ebooks de fiction (littérature de genre), 33% des ventes journalières proviennent d’ebooks autoédités, ce qui représente 20% des revenus.

    Ces chiffres de vente des autoédités ne peuvent qu’augmenter:

    - les éditeurs traditionnels ne peuvent pas rivaliser avec les prix des ebooks autoédités
    - les contrats proposés par les éditeurs traditionnels ne peuvent pas rivaliser avec les marges de vente réalisées en autoédition, par ailleurs ils sont beaucoup trop contraignants
    - les droits dérivés ne sont que trop rarement exploités par les grosses maisons d’édition, et réservés aux bestsellers
    - l’érosion de la vente en librairie, et le système calamiteux des retours va inéluctablement faire du marché du livre papier un marché minoritaire par rapport à l’ebook, en tout cas pour les livres de fiction et de littérature de genre
    - les auteurs de milieu de liste se tournent aux Etats-Unis massivement vers l’autoédition, les éditeurs traditionnels se focalisant sur le marché des best-sellers. Cette tendance est en voie d’internationalisation, parce que le marché américain commande le marché occidental

    Je vous trouve très « gonflé » de prétendre que les autoédités n’apportent rien à la littérature, alors qu’il n’y a jamais eu une telle diversité de livres de qualité. Les lecteurs se fichent de savoir la plupart du temps si un livre est autoédité ou non, et les autoédités génèrent au moins autant de commentaires positifs sur les sites de vente.

    En outre, de très nombreux livres refusés par les éditeurs sont des livres de qualité. Les éditeurs se sont pendant des années contentés « d’organiser la pénurie », en contrôlant le nombre de livres présents en librairie. Mais nous sommes maintenant dans une société d’abondance, grâce à l’ebook. La boîte de pandore est ouverte, et on ne la refermera pas. Pas avec ce genre d’article, en tout cas.

    Répondre

    • thibaultdelavaud

      7 juillet 2014 à 21 h 54 min

      Lorsque je dis que les livres autoédités n’apportent rien à la littérature, je me place dans une perspective élitiste. Aucun livre autoédité n’a reçu encore de prix littéraire, le style d’aucun auteur autoédité n’a provoqué de débat et d’étude parmi les « scholars ». Il n’y a pas (encore ?) d’auteur autoédité qui soit considéré comme l’égal d’un grand écrivain ou qui mériterait d’être élu à l’Académie Française.
      Quant aux commentaires clients, je leur accorde un crédit très relatif : ceux qui vont accorder 5 étoiles à un livre Guillaume Musso vont en accorder 2 à un livre de Flaubert…

      J’aurai l’occasion de développer tous ces points dans la seconde partie.

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      • Eric Garand

        13 juillet 2014 à 19 h 19 min

        L’autoédition existe réellement depuis moins de 5 ans… je suis désolé mais c’est un peu ridicule de faire ce genre de « constat » pour une forme d’édition aussi jeune. Si dans vingt ans il n’y a toujours rien, là d’accord. Mais a l’heure actuelle, c’est une remarque qui n’a pas le moindre sens.

        Répondre

  3. ESPER

    7 juillet 2014 à 16 h 18 min

    Enfin, un article très intéressant, plein de lucidité sur le sujet, contrairement à ce qu’on peu lire un peu partout sur les blogs. Cela marque la fin des enthousiastes et des positivistes de tout genre qu’on trouve sur un tas de blogs et qui veulent encore croire dans la motivation et les vieilles recettes de marketing appliquées aux ebooks autoédités pour faire croire que les meilleurs parviendront à s’en sortir, alors que le plus grand nombre n’y arrive malheureusement pas, même en travaillant jour et nuit à la promotion de leur ebook !
    Un peu comme le commentateur précédent qui semble se faire bien des illusions en extrapolant à partir du marché interne Américain qui est totalement différent du notre et qui ne laisse rien présager de bon pour l’avenir.
    Je ne sais pas comment tu fais pour rester encore un peu optimiste lorsque tu écris :  » Cependant, il n’y a pas de fatalité à la marginalisation de l’autoédition. Celle-ci peut devenir réellement attractive si elle parvient à se transformer et à se renouveler. Comment ? Réponse dans la deuxième partie à venir ».
    J’espère donc que tes propositions seront intéressantes.
    Ce qu’il faut maintenant c’est proposer des alternatives à l’autoédition. Certains diront qu’il n’y en a pas ! Il y en a au moins une : « proposer sur les sites et les blogs des ebooks gratuits à télécharger ». Évidemment, ce n’est pas comme cela qu’on gagnera de l’argent, mais puisqu’on en gagne déjà pas en s’autoéditant, autant écrire pour autre chose ! Il y a peut-être d’autres alternatives et c’est ce qu’il faut chercher maintenant.
    En tout cas, félicitations, Thibault, d’avoir eu le courage de sortir du « mode incantatoire avec bilans à la clé » de l’autoédition !
    ESPER.

    Répondre

    • thibaultdelavaud

      7 juillet 2014 à 21 h 55 min

      J’espère alors que je parviendrai à te surprendre et faire espérer lorsque tu liras la seconde partie de l’article :-) .

      Répondre

  4. Héloïse Cordelles

    18 juillet 2014 à 11 h 24 min

    Bonjour,

    Je vous suis depuis un moment et vous ne m’avez jamais parue aussi pessimiste. lol
    Je suis une admiratrice, j’adore lire vos articles (je suis d’accord ou pas d’accord) et je me suis tout de suite reconnue dans votre parcours dans l’auto-édition (vos doutes, vos espoirs, vos joies). Je suis une toute jeune auteur auto-publiée (depuis le 1e février 2014) et peut-être ai-je encore toutes mes illusions. Non pas que je pense devenir célèbre un jour en publiant de la « guimauve qui ne fait pas réfléchir » mais j’ai encore la plume qui me démange ! lol
    A mon humble avis, pour réagir à votre article, l’auto-édition se développe en parallèle de l’édition classique. En tout cas on y trouve exactement les mêmes données, beaucoup de livres publiés pour une poignée d’élus (combien d’auteurs publiés par les maisons d’édition vivent de leurs plumes ?). Les deux systèmes peuvent très bien cohabiter sans que l’un « écrase » ou menace forcément l’autre.

    @ vous lire ! ;-)

    Héloïse Cordelles
    http://heloisecordelles.blogspot.fr/

    Répondre

    • thibaultdelavaud

      19 juillet 2014 à 11 h 47 min

      Merci beaucoup pour votre commentaire et votre fidélité. Peut-être suis-je un peu pessimiste, ou impatient de voir que l’autoédition ne prend pas l’ampleur que je souhaiterais… Oui, autoédition et édition traditionnelle peuvent coexister, mais j’espère que l’édition traditionnelle ne conservera pas son monopole et n’écrasera pas (en termes de notoriété, réputation…) l’autoédition.

      Bonne journée et à bientôt !

      Thibault Delavaud

      Répondre

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