Ces derniers temps, de nombreux articles et témoignages d’auteurs font état de la précarité de ces derniers et de la baisse de leurs revenus.
L’inquiétude est légitime et compréhensible. Cependant, c’est oublier une réalité cruelle et fonder une espérance sur une chimère, un mythe, car en vérité, les auteurs n’ont jamais vécu de leur plume.
Il y a bien sûr de nombreux écrivains à succès qui vivent de leurs écrits mais ils sont une petite minorité. 5% ? 10% du nombre total d’auteurs ? Je ne sais pas mais ils sont peu nombreux. « Oui mais c’était mieux avant », rétorque-t-on, le « gâteau » était mieux partagé. Rien n’est moins sûr.
C’était mieux avant ?
Qui étaient les auteurs d’autrefois ? Les écrivains du XIXème étaient en très grande majorité issus de la haute bourgeoise. Ils n’avaient pas à se soucier de leur situation matérielle et évoluaient dans un environnement confortable. Certains étaient fonctionnaires (Maupassant) ou journalistes (Balzac), d’autres ne travaillaient pas et vivaient de leurs rentes ou de leur fortune familiale (Proust, Flaubert). L’argent n’a jamais vraiment été un enjeu pour tous ces auteurs.
Au XXème siècle, est-ce ça change ? Pas vraiment. Les écrivains sont issus de milieux relativement aisés (moins qu’au XIXème siècle) et assez peu vivent de leur plume. Beaucoup sont professeurs ou journalistes, d’autres sont fonctionnaires ou médecins…
Beaucoup d’auteurs ont exercé une profession en parallèle de leur carrière littéraire, d’autres ont mené une carrière professionnelle avant de se consacrer à la littérature, par la grâce d’un succès de librairie.
Alors oui, on ne gagne pas sa vie avec l’écriture, on s’en doutait. Est-ce que cela permet d’évacuer toutes considérations financières ? Non mais cela doit réfréner les ambitions des auteurs puisqu’ils se réfèrent à un idéal qui n’existe pas et qui n’a jamais existé. L’auteur qui gagne sa vie par la vente de ses livres est un mythe.
L’auteur qui gagne sa vie par la vente de ses livres est un mythe
Et demain ?
Là où beaucoup d’auteurs ont du souci à se faire, c’est qu’il sera de plus en plus difficile de vivre de sa plume. À qui la faute ? Les éditeurs, les lecteurs et même les auteurs sont responsables de cette situation.
Nous sommes depuis plusieurs années dans une logique du « winner takes all », le gagnant rafle tout. C’est tout ou rien : énorme succès ou échec total. Un best-seller écrase tous les autres, les premiers romans percent de plus en plus difficilement… Même sur Amazon, en dehors des livres figurant dans les différents TOP 100, les ventes sont marginales, au compte-goutte… L’industrie du livre n’est pas la seule à être concernée par ce phénomène, les industries culturelles le sont toutes : les blockbusters au cinéma éclipsent tous les autres films, les jeux vidéos sur tablettes ou smartphones sortent par milliers et une poignée seulement est téléchargée… Votre destin en tant qu’auteur peut donc se résumer à ceci : millionnaire ou précaire, point d’autre alternative. Pouvoir vivre de la vente de ses livres, c’est avoir gagné au loto.
Votre destin en tant qu’auteur peut donc se résumer à ceci : millionnaire ou précaire, point d’autre alternative.
Face à cette logique, dictée par la consommation de masse et amplifiée par les réseaux sociaux, les éditeurs ne peuvent plus se permettre de faire la moindre erreur et promeuvent uniquement les livres les plus « bankables ». Ils sont d’autant plus contraints d’agir ainsi que les lecteurs sont de moins en moins nombreux. En bout de chaîne, les auteurs trinquent : moins de ventes donc moins de revenus, moins de prise de risque pour les auteurs non « bankables »…
À partir du moment où les auteurs proposent des textes gratuitement, ils contribuent à fragiliser l’industrie du livre et donc à diminuer leurs propres revenus.
Pauvres auteurs me direz-vous. Mais ils sont également responsables de cette situation. À partir du moment où les auteurs proposent des textes gratuitement, ils contribuent à fragiliser l’industrie du livre et donc à diminuer leurs propres revenus (pour rappel, je considère que la gratuité est la pire ennemie de l’auteur indé). Un lecteur qui est en mesure de lire des textes gratuitement n’achètera plus de livre. Je caricature, mais il en achètera moins car il trouvera qu’ils sont trop chers (et en tant que lecteurs, ne sommes-nous pas les premiers à effectivement les trouver trop chers ?). Or, moins de livres qui se vendent, c’est moins de revenus pour les auteurs.
Que faire ?
Si vous voulez vivre de vos écrits, vendez énormément de livres, pendant longtemps, ou écrivez un best-seller qui se vendra durant des décennies. Et évidemment, le plus tôt est le mieux.
Il n’y a pas de gâteau à se partager, des revenus « justes », un complot des éditeurs contre les auteurs.
Si vous ne gagnez pas votre vie avec la vente de vos livres, ne désespérez pas, c’est tout à fait normal. Et ça ne vous empêchera pas de continuer à écrire.
grandpetitplus
25 avril 2015 à 9 h 49 min
Article très intéressant… Comme d’habitude. Même si je n’écris plus, j’ai toujours un regard sur ton blog. Je trouve aussi cette analyse très courageuse parce qu’en fait c’est le contraire qui est mitraillé sur Internet : éditez, éditez encore et toujours plus, faites de l’argent et devenez riche en écrivant des livres…
Morgane Pinon
25 avril 2015 à 9 h 59 min
Intéressant ce point de vue sur la gratuité ! Je n’avais pas vu les choses sous cet angle…
En ce qui concerne la gloire et la fortune, je suis d’accord. Il ne faut pas oublier que de nombreux auteurs et artistes n’ont connu un véritable succès qu’après leur mort ! C’est triste, mais c’est la réalité. Donc écrire encore et toujours, oui. Mais pas dans un but de fortune. Personnellement, je suis contente de pouvoir partager mes textes tout simplement
ESPER
25 avril 2015 à 14 h 53 min
Je suis assez d’accord avec les idées que tu développes dans cet article, sauf en ce qui concerne la gratuité qui serait néfaste dans tous les cas. Thierry Crouzet utilise la méthode du « gratuit et vous ne payez que si vous êtes satisfait ».
Il en parle dans un article récent sur Wattpad : « Dorénavant, je peux distribuer mes livres en Creative Commons et demander aux lecteurs de ne payer que s’ils sont satisfaits. Je leur fais confiance. Ma naïveté doit te faire flipper. Mais tu devrais t’intéresser aux chiffres : Le Geste qui sauve ainsi diffusé a été vendu à plus de 30 000 exemplaires et traduit en douze langues. À mon avis, la confiance finit toujours par payer. De toute façon, je ne sais pas faire autrement ».
Je crois, moi, que c’est la meilleure formule aujourd’hui si on est bien conscient qu’écrire ne rapporte rien pour la majorité « des auteurs amateurs autoédités ». Le seul espoir est de récolter un peu d’argent pour se payer un repas au restau de temps en temps, « lorsqu’on aura publié un grand nombre de livres » (comme tu dis) !
Ceci dit, contrairement à ce qu’on lit sur les blogs venant « des auteurs indépendants », on peut écrire pour le plaisir sans se fatiguer à faire du marketing pour ses publications ! C’est souvent peine perdue, sans espoir de retour suffisant pour gagner de l’argent.
Bref, on peut pratiquer l’écriture en faisant un autre métier à côté, juste comme un loisir, sans penser à l’argent. J’espère que tu en profiteras pour ne pas publier des « bilans de tes ventes de livres » (surtout que personne ne te le demande !). C’est désolant de retrouver ça dans les blogs, comme si on était dans une industrie !
Cordialement.
ESPER
thibaultdelavaud
26 avril 2015 à 21 h 32 min
Les auteurs sont libres de faire ce qu’ils veulent : proposer leurs livres gratuitement ou pas. Cependant, je pense que beaucoup d’auteurs ne mesurent pas les conséquences de proposer des livres gratuitement. Il y a selon moi beaucoup plus de conséquences négatives que positives. C’est également une question de cohérence : on ne peut pas à la fois s’émouvoir de la baisse des revenus des auteurs et de leur précarité et encourager « the race to the bottom » en proposant des livres gratuitement.
grandpetitplus
25 avril 2015 à 15 h 42 min
Mais bien au contraire, je trouve ça très intéressant, moi, les bilans et tout ça. Pourquoi donc se priver de chiffres ??? Surtout sur un blog consacré, justement, à l’autoédition dans sa globalité. Je remercie Thibault pour son travail et sa façon tout à fait décomplexée de parler d’argent en matière d’autoédition. Maintenant, que la volonté de gagner de l’argent en écrivant, d’en vivre comme on dit, relève d’une utopie-fou-naïveté-obsession-rêve-aveuglement-espoir-vanité-liberté-ego-déchirement-reconnaissance… C’est peut-être aussi ça la définition d’un artiste.
Pascal Bléval
25 avril 2015 à 18 h 06 min
@Esper: le livre EST une industrie. Les auteurs auto-édités qui parviennent à en vivre sont, au choix, soit des gagnants au loto (cf « After » et autres « 50 shades of grey ») soit des entrepreneurs (Cf Nick Stephenson, David Gaughran, par exemple).
Ces deux derniers sont parvenus à se constituer une base de clients-lecteurs (non ce n’est PAS un gros mot) fidèle et qui les suit de près via leur newsletters respectives. Je tiens à préciser que pour ces deux auteurs, la gratuité fait partie des moyens efficaces pour gagner des lecteurs pour leurs livres payants.
C’est peut-être le seul point sur lequel je ne suis pas d’accord avec ton article, Thibault, même si je ne peux pas encore en parler d’expérience.
Non, la gratuité ne dévalorise pas le travail des auto-édités.
Oui, il permet d’être découvert par de nouveaux lecteurs.
Encore faut-il s’en servir de façon efficace.
Certes, j’ai cité des auteurs anglo-saxons. C’est une autre culture. Une autre maturité du lectorat face à l’auto-édition,aussi.
Et je pense que ce qui dévalorise l’auto-édition, ce n’est pas la gratuité, c’est plutôt le fait que trop d’auteurs auto-publiés (pas auto-édités) estiment que le respect des règles d’orthographes et la couverture de leur livre ne sont pas des conditions nécessaires pour attirer le public.
Par contre, clairement, tu as 1000 fois raison sur ce point: les époques où les auteurs non issus de la bourgeoisie ont pu vivre de leurs livres sont rares, a priori. Très rares.
C’est donc plutôt un retour à la normale que nous vivons, qu’une dégradation de la situation. Surtout vu la situation économique générale. ^^
ESPER
25 avril 2015 à 18 h 14 min
@Pascal Biéval
Je ne suis pas inculte au point d’ignorer l’industrie du livre ! Je me suis sans doute mal exprimé. Ce que je voulais dire : c’est que « les auteurs amateurs » ne doivent pas se comporter comme s’ils faisaient partie d’une industrie en publiant les bilans de leurs ventes. C’est tout à fait ridicule !
Cordialement.
ESPER
Pascal Bléval
25 avril 2015 à 18 h 40 min
@Esper: justement, c’est là que je ne suis pas d’accord. Ce n’est pas ridicule. (ceci dit, ceci est un débat d’idée, je suis ouvert aux arguments, pas de soucis. ).
Je ne traite personne d’inculte, loin de moi cette pensée. Mais clairement, « l’industrie du livre » n’est pas une réalité applicable uniquement aux éditeurs. Les auto-édités qui essayent de faire plus que de tirer un supplément de revenus, et qui s’en donnent les moyens, voient pour la plupart leurs efforts et leur travail comme ceux d’entrepreneurs.
A ce titre, nous sommes bien dans une optique « industrie du livre », même en tant que (pour le moment) auteurs amateurs.
thibaultdelavaud
26 avril 2015 à 21 h 34 min
Bonjour Pascal,
Je te recommande la lecture de mes articles sur la gratuité. Il y a quelques cas où la gratuité peut être utile mais il faut l’utiliser avec précaution…
A bientôt
Thibault
Pascal Bléval
27 avril 2015 à 23 h 13 min
Bien sûr qu’il faut l’utiliser avec précaution ! Je tâcherai de creuser un peu plus ton blog.
Mais sur ce point, je suis tout à fait d’accord. On ne peut pas utiliser la gratuité à tort et à travers, et il ne faut pas se dévaloriser.
Notamment, passer un titre de payant à gratuit puis inversement me semble, au vu d’expériences relatées par quelques auteurs, pour le moins désastreux.
La gratuité doit être utilisée pour gagner des lecteurs qui, par la suite, accepteront de payer. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire.
Philippe Saimbert
25 avril 2015 à 18 h 22 min
Je viens du monde de la BD et il y a encore quelques années, nombre d’auteurs vivaient (plus ou moins bien) de leur plume. La situation a bien changé et plusieurs de mes amis et collègues sont dans la panade financière. Bon article mais j’apporterais quelques remarques:
1) « Millionnaire ou précaire » est abusif. Quelques auteurs naviguent entre ces eaux. J’espère qu’ils seront de plus en plus nombreux.
2) L’argument selon lequel les auteurs ne peuvent pas vivre de leur plume (tout du moins en France car aux USA la situation est différente) est à manipuler avec précaution. C’est un argument souvent utilisé pour ne pas payer les auteurs. Du style: « Vous êtes publiés à compte d’éditeur. Vous voulez pas non plus gagner de l’argent? »
thibaultdelavaud
26 avril 2015 à 21 h 39 min
Millionnaire ou précaire est un peu excessif mais les auteurs « entre les deux » seront selon moi beaucoup moins nombreux à l’avenir. Il y a aura quelques millionnaires et beaucoup de précaires…
Jean-Christophe Heckers
25 avril 2015 à 20 h 11 min
« Votre destin en tant qu’auteur peut donc se résumer à ceci : millionnaire ou précaire, point d’autre alternative. »
« À partir du moment où les auteurs proposent des textes gratuitement, ils contribuent à fragiliser l’industrie du livre et donc à diminuer leurs propres revenus. »
Franchement, entre ramasser des miettes et être un gratuit dangereux (sinon un traitre à la cause des auteurs indépendants), je choisis, dès lors que c’est moi qui publie, d’en rester au prix faramineux de zéro euro – tant que faire se peut (donc en numérique). Je me fiche de l’industrie du livre, pas du livre. Ce qui est plus dangereux, c’est la ruée sur l’autoédition, avec la publication en masse de daubes prémoisies à 5€ la louche. On en voit tellement passer qu’à force on n’a même plus envie de chercher un indé qui vaudra le coup.
De toute façon, qu’on se rassure, les gratuits jouent moins souvent du côté d’Amazon que sur des terrains qui échappent à la logique de marché – et où la valeur intrinsèque d’une prose ne se préjuge pas à partir d’un prix de vente. Ce qu’auront sans doute du mal à comprendre, et à accepter, les auteurs boutiquiers.
chris
25 avril 2015 à 22 h 20 min
Bonjour Thibault, tu poses la question qui fâche, bonne question. Quelques désaccords de ma part. Au 19e siècle la petite bourgeoisie et les fils d’instituteurs plus éduqués que leurs parents deviennent auteurs, journalistes…Certains réussissent d’autres s’enfoncent dans une vie de bohème – lire mon article : Réfrctaires, mais pas vaincus de 2012 : http://chrisimon.com/refractaires-oui-mais-pas-vaincus/
Les auteurs vivent une situation siimilaire aujourd’hui. Le millionniaire ou précaire est aussi le reflet de l’état du monde aujourd’hui. Je concluerai ainsi : un auteur pour gagner sa vie doit soit avoir de la chance, soit écrire beaucoup… Et ça ça ne change pas.
Nathalie Bagadey
4 mai 2015 à 9 h 05 min
Hello Thibault !
Ah oui, je vois ce que tu voulais dire dans ta NL, ça bouge sur cet article !
Pour ma part, comme toujours, j’y ai trouvé une analyse honnête et intéressante.
Là où je diverge avec toi c’est
1) le côté « gratuit » : oui, je pense que cela peut être dangereux mais d’un côté il vaut mieux un livre gratuit et LU qu’un manuscrit qui reste dans le placard. Certes, l’idée finale c’est de pouvoir avoir le temps d’écrire et donc pour y arriver, de vivre de ses ventes de livres, mais si ce n’est pas possible, au moins serons-nous lu…
En outre, le principal avantage du gratuit, pour moi, c’est qu’il donne ENVIE de lire autre chose. Donc il permet au lecteur, avant son achat des autres écrits de l’auteur, de savoir si ce qu’il écrit est pour lui ou pas. Cela évite les « erreurs de casting » à mon avis…
Mais je pense que là dessus, toi et moi sommes assez d’accord (je viens de parcourir ton article sur le sujet, en parallèle).
2) j’ai été étonnée que tu ne fasses pas la comparaison entre « revenus de l’auteur édité » et « revenus de l’auteur auto-édité »… Je l’ai fait dans mon bilan mais pour des raisons de confidentialité, je n’ai pas mis les résultats sur le blog mais dans ma newsletter. C’est assez édifiant : en 6 mois seule, j’ai eu plus de revenus qu’en 1 an en étant éditée dans deux petites maisons d’édition. Même si mes chiffres sont à nuancer, c’est tout de même encourageant, je trouve.
Ce qui m’amène à répondre à ESPER que je ne comprends pas bien son rejet des bilans faits par les auteurs autoédités. Nous sommes une communauté qui nous entraidons (c’est d’ailleurs à mon avis la direction première que tu as donnée à ce blog et la raison pour laquelle je trouve toujours quelque chose d’intéressant à lire ici ♥) : or plutôt que d’affirmer certaines idées personnelles, n’est-ce pas mieux de dresser des bilans précis pour aider les autres à voir ce qui marche ou pas ?
C’est toujours difficile de concilier la démarche artistique (écrire) et la démarche commerciale (vendre) mais la première a besoin de la deuxième pour être plus fréquente. Je me languis toujours de mes persos et de mes histoires quand je dois les laisser de côté pour faire mon travail, celui qui me permet de payer les factures.
thibaultdelavaud
5 mai 2015 à 12 h 49 min
Bonjour Nathalie, merci beaucoup pour ton commentaire.
Je pense que le gratuit à des fins promotionnelles peut être utile, je ne suis donc pas un anti-gratuité farouche. J’y reviendrai très probablement dans un prochain article. Concernant les revenus des auteurs édités et indépendants, je n’ai pas d’éléments de comparaison puisque je n’ai pas été édité par un éditeur traditionnel donc difficile pour moi de savoir… Mais ton témoignage est très intéressant : l’autoédition peut générer plus de revenus pour un auteur.
Encore merci et à bientôt !
Thibault
Alfred Boudry
4 mai 2015 à 12 h 24 min
Salut,
les chiffres de l’Agessa sont clairs: les auteurs français qui gagnent au moins le Smic en droits d’auteur sont entre 500 et 1000 (dramaturges compris) et ils sont de moins en moins nombreux chaque année. Sachant que 50 à 60.000 titres sont publiés chaque année en France (et que la moitié sont des traductions de l’anglais, en augmentation constante), on tire vite les conclusions qui s’imposent: tu écris en français? Tu as le droit de c/rêver, mon pote…
Les seuls auteurs français que je connaisse à vivre décemment de leur plume sont soit institutionnalisés (subventionnés, enseignants du secondaire, intervenants en séminaires…) soit journalistes (très pratique pour avoir des amis qui causent de ton bouquin) soit en poste dans la grosse édition. Ce qui est très pratique, pour se publier mutuellement (puisqu’il est de mauvais goût de se publier soi-même quand on est éditeur; ce qui n’empêche pas certains de se contenter de prendre un pseudo; cf. Claude Durand, par ex.).
Ce que votre article ne dit pas, c’est que le monde de l’édition serait plus sain (traduisez: le talent pourrait y être réellement récompensé à sa juste valeur) si c’était un milieu plus honnête. Bien au contraire, les pratiques illégales y sont monnaie courante: le négrillat (qui est une tromperie), l’influence sur les jurés dans les prix littéraires, l’absence de contrat (ou les contrats non conformes), les dérogations d’OPA accordées par des « élus » (cf. Hachette / Lagardère), les monopoles (encore Hachette, dans les gares et les métros), les stratégies de collusion commerciale, l’ingérence dans les contenus (notamment dans les traductions), les redditions de compte incompréhensibles ou fausses… J’en passe et des pires. Toutes ces habitudes sont considérées comme inoffensives et innocentes par les éditeurs qui les pratiquent impunément. Et pourquoi le font-ils? Parce qu’un auteur lésé qui gagne 400€ par an n’a évidemment pas les moyens de se payer un avocat pour attaquer ET qu’il ne peut se permettre de perdre la « confiance » de l’éditeur indélicat qui l’a baisé.
Le système éditorial français est un reliquat de l’ancien régime, un héritage purulent de la bourgeoisie du XIXe; accuser les auteurs de son fonctionnement est aussi absurde et irresponsable que d’accuser une victime de viol d’avoir incité son violeur à l’attaquer.
Vous voulez savoir jusqu’où va l’hypocrisie? Demandez à divers acteurs de la « chaîne du livre » comment se répartissent les gains. Tous -libraire, distributeur, éditeur, diffuseur- vous diront qu’ils ne « gagnent que 15 à 20% alors que les autres se font entre 30 et 40% ». Cherchez l’erreur.
thibaultdelavaud
5 mai 2015 à 12 h 51 min
Bonjour.
Un commentaire intéressant et assez édifiant sur le milieu éditorial. Je connais très mal cet univers, c’est la raison pour laquelle je n’en ai pas parlé.
Merci et à bientôt,
Thibault
Alfred Boudry
11 mai 2015 à 10 h 11 min
Bonjour,
c’est bien là le problème: personne n’en parle jamais. Dans les rares occasions où un journaliste interroge un éditeur ou un libraire (les distributeurs ne sont jamais interrogés) sur le fonctionnement réel du système éditorial, les questions abordées sont inoffensives. Et même si un problème primordial est soulevé, on se contente de sourire et de passer au sujet suivant. On prétend que les choses sont comme ça parce qu’on ne peut pas faire autrement; résultat: rien ne change puisque personne n’y change rien.
Aucun journaliste n’a jamais eu les couilles de dire que le système éditorial français est une machine à exploiter les auteurs, qui sont les meilleurs esclaves que l’on puisse imaginer puisqu’ils ne peuvent même pas faire la grève et que (encore mieux) lorsqu’ils sont morts, on peut continuer à les exploiter jusqu’à l’os. (J’ai d’ailleurs oublié de signaler cet autre crime régulièrement commis contre les auteurs, à savoir le non respect de leurs dernières volontés – ex: Gallimard contre Michaux).
Cette situation changerait peut-être si le public était informé de ces pratiques, mais par qui le serait-il, sinon par des journalistes qui n’ont pas envie de s’aliéner les éditeurs susceptibles de publier leurs bouquins ?
Une belle machine bien huilée, oui…
Marjorie / Accompagnatrice d'Auteurs Motivés
5 mai 2015 à 10 h 42 min
Salut Thibault,
Ton article a le mérite de soulever les réactions
Eh oui, il existe plusieurs légendes chez les écrivains :
- qu’on peut vivre de sa plume (enfin si, mais sous certaines conditions : avoir écrit un best-seller, vendre ses droits au cinéma, je crois que c’est à peu près tout.)
- qu’un écrivain est un ermite qui écrit dans sa cave des succès reconnus uniquement après sa mort, en attendant il vit dans la misère (lol ce cliché est néanmoins moins vivace)
- qu’un livre est écrit dans un instant fulgurant de génie, sans retravailler derrière, alors que comme tout métier, écrire demande du travail. Souvenons-nous de la citation de Nicolas Boileau :
» Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. »
Trop d’auto-édités encore (mais pas tous) ignorent qu’écrire demande aussi de faire le travail de l’éditeur, du sérieux, des compétences, du marketing, de la mise en page, de la relecture.
thibaultdelavaud
5 mai 2015 à 12 h 55 min
Bonjour Marjorie,
Oui, ces légendes sont encore tenaces, même si, j’ose espérer, elles tendent à disparaître, surtout les deux dernières que tu cites.
Et tu as raison, il y a encore un gros travail à fournir par les auteurs indépendants pour se professionnaliser.
À bientôt,
Thibault
TheSFReader
7 mai 2015 à 11 h 51 min
Un joli contrepoint de Lizzie Crowdagger que je me permet de mettre en lien : http://crowdagger.fr/blog/index.php?post/2015/05/07/%C3%80-propos-de-gratuit%C3%A9