J’ai hésité à faire un « Point d’étape » en bonne et due forme mais le propos de cet article est davantage de partager quelques réflexions et de donner des nouvelles. Et puis, j’ai fêté le cap des trois ans d’autoédition, le temps passe tellement vite…
Polémique, quand tu nous tiens
Mon précédent article Pourquoi les livres autoédités sont-ils mauvais ? a provoqué une petite tempête sur Facebook. Je m’attendais évidemment à créer la polémique. On m’a même accusé de la provoquer à dessein ! Je ne pensais pas qu’elle serait de cette ampleur et qu’elle susciterait des réactions parfois violentes. On a également déformé mes propos et fait dire des choses que je n’ai pas dites mais c’est probablement la loi du genre. Je tiens simplement un éclaircir un point : cet article n’avait pas vocation à démolir les livres autoédités mais à faire prendre conscience à tous les auteurs indépendants qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour convaincre les lecteurs et qu’il ne faut pas se reposer sur ses lauriers.
De même, je ne considère pas mes propres livres (autoédités, faut-il le rappeler) comme meilleurs que les autres. Ils ont des défauts, des qualités mais sont-ils au dessus du lot ? Je n’en sais rien, seuls les lecteurs et les critiques littéraires (qui, de toute manière, ne lisent pas mes livres) peuvent le dire. C’est la première fois depuis je tiens ce blog (et cela fera trois ans au mois d’août) que j’ai dû faire face à des réactions aussi vives.
Cet article n’avait pas vocation à démolir les livres autoédités mais à faire prendre conscience à tous les auteurs indépendants qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.
Cet article m’a donné l’envie d’organiser un débat sur le thème « Quel avenir pour les maisons d’édition face à l’essor de l’autoédition ? » sous forme d’un entretien croisé sur mon blog. J’ai proposé à Guy Morant de participer et il a gentiment accepté. Je cherche un interlocuteur prêt à défendre le modèle traditionnel des maisons d’édition mais pour le moment, j’ai fait chou blanc. Si en lisant ces lignes vous êtes intéressé pour participer, n’hésitez pas à me contacter.
Garder le moral
Ceux qui me suivent depuis longtemps savent que j’alterne les phases d’enthousiasme et de lassitude (comme beaucoup de monde probablement) face à l’autoédition. Cela fait un peu plus de trois ans que je me suis lancé dans l’aventure et j’ai vu beaucoup de choses évoluer. Ce qui m’inquiète et qui explique mon pessimisme actuel est le fait que les auteurs indépendants se professionnalisent et sont plus nombreux mais fondamentalement, les choses ne bougent pas vraiment. Et comme mon précédent article le soulignait, c’est tout à fait logique puisque l’offre de livres autoédités de qualité est encore insuffisante.
Malgré tout, l’autoédition décolle, les ventes de livres autoédités sont plus nombreuses et des auteurs de talent ont percé. Mais elle demeure une voie parallèle, à l’écart, encore largement marginalisée. Peut-être faudra-t-il être patient, le numérique, il est vrai, est en retard en France mais est-ce vraiment la raison véritable de cette marginalisation ? Il faudrait qu’une dizaine d’auteurs indépendants deviennent connus auprès du grand public pour que le regard sur l’autoédition change. J’ai écrit il y a un an et demi environ Pourquoi l’autoédition ne décolle pas en France ? et je crains qu’il faille attendre très longtemps avant que l’autoédition fasse partie du paysage éditorial en France et soit reconnue. En 2018 ? 2020 ? Plus tard ?
Il faudrait qu’une dizaine d’auteurs indépendants deviennent connus auprès du grand public pour que le regard sur l’autoédition change.
Écriture
J’ai complètement arrêté de faire du marketing et de la communication sur mes livres, je poursuis la rédaction de ma nouvelle Chronos. Je suis très heureux de revenir à l’écriture, j’espère pouvoir échanger rapidement avec vous tous sur la rédaction de cette nouvelle. Il est intéressant de partager nos expériences sur l’autoédition et nos astuces marketing mais échanger sur l’écriture est plus rare et pas moins utile. Travailler sa plume et confronter ses écrits au regard d’autrui, avant la publication finale, sont essentiels et j’ai péché de ce point de vue pour l’écriture des nouvelles de mon recueil Rêves Célestes. Le travail d’écriture est très long, j’écris de manière chaotique et décousue. J’ai parfois le sentiment que ce sera une très longue nouvelle car j’ajoute beaucoup de passages en plus de ma trame originelle.
Depuis que j’ai débuté dans l’autoédition il y a trois ans, je n’ai paradoxalement rien écrit et publié de neuf puisque les nouvelles de Rêves Célestes ont été écrites entre 2006 et 2009. Je les avais retravaillées en vue de les autoéditer. C’est donc presque un nouveau départ pour moi et j’ai la sensation de recommencer à zéro, ce qui, au final, est plutôt agréable.
Alan Spade
17 juin 2015 à 18 h 08 min
« (…) je crains qu’il faille attendre très longtemps avant que l’autoédition fasse partie du paysage éditorial en France et soit reconnue. »
Reconnue par qui? C’est la question cruciale. Si c’est « reconnu par les lecteurs », l’exemple de Jacques Vandroux prouve qu’on y est déjà. Certes, au niveau des livres papier, on n’y est pas, mais ce n’est pas le marché des auteurs autoédités, et il ne faut pas s’attendre à ce que ça le devienne. Notre destin est lié à l’ebook.
Si c’est « reconnu par l’édition traditionnelle », l’exemple d’Aurélie Valognes, dont le « Mémé dans les orties » est très bien diffusé dans les librairies et centres culturels, je peux en attester, prouve qu’on y est aussi: certes Jacques Vandroux n’a pas été démarché par l’édition traditionnelle, peut-être parce qu’il est ressenti comme un « auteur Amazon », et ne serait donc pas très bien perçu des libraires, peut-être pour une autre raison que j’ignore (le fait que le couple soit « vocal » sur Facebook et tienne un blog peut y être pour quelque chose, l’édition traditionnelle appréciant les auteurs souples, discrets et malléables).
Sur le nombre d’auteurs autoédités qui passent de l’autoédition à l’édition traditionnelle: peut-être ce nombre est-il faible parce que les auteurs préfèrent garder leurs droits sur leurs ebooks, et cela achoppe au niveau des négos? En d’autres termes, les contrats tradi sont trop durs. En sait qu’Alice Quinn, par exemple, a pu garder ses droits sur son ebook, mais uniquement dans sa version Amazon. J’imagine que ce n’est pas venu tout seul.
Si c’est « reconnu par les médias », là d’accord, on n’y est pas. Mais d’abord une observation, c’est que si on compare aux autres divertissements que sont le cinéma et les jeux vidéo, la littérature est sous-représentée. Combien de chaînes TV uniquement ciné? Combien de chaînes uniquement jeux vidéo? Et combien de chaînes uniquement littérature?
Le traitement par les grandes chaînes nationales (TF1, France 2) reflète cet état de fait.
Néanmoins, il est vrai que si on englobe la presse écrite et radio, l’autoédition se retrouve complètement sous-représentée. Mais n’oublions pas que ce sont des oligarques qui possèdent à présent les journaux comme Le Monde, Le Figaro ou Le Parisien. Les grands groupes multimédias qui gèrent les grands journaux sont aussi liés aux grands groupes d’édition, ils n’ont donc aucun intérêt à parler de l’autoédition.
Le vrai moyen de pression que possèdent les auteurs autoédités, c’est Internet. A tel point que les rapports d’un site comme Author Earnings aux Etats-Unis, site d’auteurs autoédités/hybrides pour les auteurs en général, sont maintenant repris par de grands médias Internet outre-Atlantique.
Donc oui, si l’on aspire à devenir « mainstream » dans le sens « reconnu par les grands médias », il ne faut pas aller vers l’autoédition. Si on aspire à avoir un public mainstream, l’avenir est selon moi devant nous, et on ferait mieux de se défier des stats officielles de diffusion des ebooks en France.
Sandra Ganneval
20 juin 2015 à 23 h 44 min
Bonsoir, Thibaud, j’ai vu le post concernant ton article passer sur Facebook et ça me démangeait de le commenter. Je trouve dommage que le ton de cet article soit si défaitiste.
J’ai publié mon premier roman autoédité « SOS FLEMMARDS » en 2011.
Au total, j’ai autoédité trois romans et un recueil de nouvelles.
En dehors des périodes fastes, je vends environ une douzaine de livres par mois. Mais je pense que j’en suis grandement responsable puisque j’ai choisi de ne pas faire certaines actions de promotion qui auraient sans doute porté leurs fruits.
Néanmoins, je trouve que les choses bougent énormément et ce, bien sûr, depuis l’entrée en scène de KDP.
Je ne pense pas que la qualité des livres autoédités soit à remettre sans cesse sur le tapis. Si un auteur autoédité veut bien s’en donner les moyens, son livre atteindra un niveau de qualité tout à fait acceptable. Si ensuite, l’auteur fait son boulot en matière de promotion, le livre a de fortes chances de trouver son public et ce, de plus en plus. Certes, des auteurs sortent du lot et deviennent remarquables mais je suis persuadée que de nombreux autoédités parviennent à vendre entre 500 et 800 exemplaires de leur livre. Je sais, cela paraît dérisoire, mais il faut se rappeler que dans l’édition traditionnelle, vendre entre 500 et 800 exemplaires d’un premier roman est un exploit honorable. Voir cet article :
http://www.editions-humanis.com/combien-gagne-auteur.php
Je pense, contrairement à toi, que l’autoédition est de moins en moins marginalisée, que les succès français récents rencontrés grâce à l’autoédition numérique y contribuent grandement ainsi que les nombreux succès outre-Atlantique. De plus, en France, certains éditeurs sont à l’affût et n’hésitent pas à contacter un autoédité qui aura réussi par ses propres moyens à se hisser dans l’un des top 100 d’Amazon. Cela m’est arrivé et je ne pense pas être un cas isolé.
Il ne faut pas se décourager, continuer à écrire, à proposer ses livres, à faire sa promotion comme on le peut, comme on le sent, poser des pierres et voir ce que l’on arrivera à construire sur un long terme.
Merci pour tes articles polémiques qui donnent à réfléchir et font réagir.
thibaultdelavaud
22 juin 2015 à 13 h 19 min
Bonjour Sandra, merci pour ton commentaire.
Il y a des succès français d’autoédition numérique, c’est évident mais ils ont selon moi encore trop peu de résonance médiatique pour qu’ils puissent faire changer le regard des lecteurs sur l’autoédition. Cela viendra peut-être, mais cela prendra je pense du temps.
Encore merci et à bientôt !
Thibault
Guy Morant
21 juin 2015 à 19 h 42 min
Bonjour Thibault,
Je retiens une bonne nouvelle : tu te remets à l’écriture. Le découragement s’en va quand on a un nouveau bébé à présenter au monde.
Cela dit, je suis d’accord avec Alan : l’auto-édition connaît déjà plusieurs formes de reconnaissance, qui suffisent à de nombreux auteurs. Les bouderies des éditeurs et des critiques sont compréhensibles : si tu travailles pour Kronenbourg, tu ne vas pas dire du bien des brasseurs artisanaux.
Dans un billet du blog des éditions Humanis (http://www.editions-humanis.com/relations-auteur-editeur.php), cité par Sandra Ganneval, j’ai trouvé cette phrase intéressante :
« Même si la majorité des éditeurs d’aujourd’hui s’acquitte à peu près honorablement de la tâche de vérification orthographique et grammaticale des textes publiés, bien rares sont ceux qui prennent la peine de faire des suggestions sur le contenu, sur la qualité de la rédaction, et encore moins sur des aspects tels que la construction de l’histoire ou le traitement des personnages. »
Autrement dit, c’est à nous d’apprendre à écrire des bonnes histoires. Plus nous y parviendrons, plus il apparaîtra que les éditeurs n’ont pas le monopole de la qualité.
thibaultdelavaud
22 juin 2015 à 13 h 26 min
Bonjour Guy,
effectivement, la qualité des histoires des livres autoédités n’est pas au rendez-vous notamment à cause de la structure du récit et du traitement des personnages, les auteurs indépendants doivent beaucoup travailler dessus. Les livres édités par l’édition traditionnelle sont de meilleure facture mais sans être parfois exceptionnels, c’est une forme de garantie pour le lecteur. Je suis d’accord avec toi, aux auteurs indés de montrer que la garantie d’un livre autoédité peut être la même qu’un livre édité traditionnellement.
Philippe Saimbert
3 juillet 2015 à 12 h 07 min
Bonjour à tout le monde. Je crois que le titre de l’article était par trop catégorique. Ou du moins provocateur. Thibault, nous savons tous que des projets indépendants ne devraient pas voir le jour. Mais il y a beaucoup de perles dans les projets des indés. On peut par exemple les trouver dans les auteurs inscrits dans les groupes Facebook.
)
Pourquoi? Parce que ceux-ci s’intéressent à la qualité (forme et fond) de leurs récits.
Alors certes, pour nombre d’auteurs, les revenus sont aléatoires. Mais pas plus que dans une maison d’édition traditionnelle. Il faudrait que je retrouve l’article où un auteur publié chez une grande maison d’édition n’avait vendu aucun exemplaire. Même sa mère ne l’avait pas acheté!
Je rejoins que ce dit Sandra Ganneval: « je trouve que les choses bougent énormément et ce, bien sûr, depuis l’entrée en scène de KDP. ».
Je rajouterai également Kobo/Fnac où les ventes ont explosé en ce qui me concerne.
Pour revenir à la « reconnaissance du public », elle existe. Du moins en numérique pour quelques stars que nous connaissons tous. Et qui la méritent.
Ceci dit, n’oubliez pas une chose: reconnaissance ne rime pas souvent avec finances dans le milieu de l’édition traditionnelle.
Alan Spade se débrouille très bien au niveau des ventes papier. Mais il se bat sur tous les fronts. Je fais 220-250 ventes annuelles au format papier via Amazon Createspace. Et je suis très content.
C’est plus qu’avec mon ancien éditeur. Qui ne m’a jamais payé…
Bonnes vacances
Philippe