Je me pose souvent cette question. Plus exactement, je me demande s’il est possible d’apprendre à bien écrire, voire même, pourquoi pas, écrire comme Proust ou Zola.
Depuis quelque temps et peut-être à cause de l’essor de l’autoédition, j’ai le sentiment que le nombre des ateliers d’écriture et des sites Internet spécialisés en coaching littéraire se sont multipliés. Sont-ils efficaces ? Je n’en sais rien, je n’ai jamais fait appel à leurs services. Je ne doute pas qu’il soit possible pour un écrivain d’améliorer sa plume, aussi bien sur le plan de la maîtrise de la langue que sur celui de la construction de l’intrigue et de la crédibilité des personnages. Il est évident que chaque auteur peut s’améliorer et qu’il existe des techniques d’écriture qui rendent le style meilleur et l’histoire plus convaincante.
Apprentissage et talent
Penser qu’un écrivain est naturellement doué et n’a pas besoin de travailler sa plume est une erreur. On a bien évidemment en tête l’auteur qui, ne trouvant pas l’inspiration, est soudainement appelé par sa Muse et écrit un chef-d’œuvre en quelques jours. Hormis quelques rares exceptions où des livres ont été écrits d’une seule traite, cette vision de l’écriture relève de l’image d’Épinal. Bien sûr, il existe des écrivains plus doués que d’autres. Mais même les génies ont besoin d’exercer leur plume, d’apprendre et de s’améliorer.
L’auteur qui, ne trouvant pas l’inspiration, est soudainement appelé par sa Muse et écrit un chef-d’œuvre en quelques jours [...] relève de l’image d’Épinal.
Écrire un livre demande de très bien maîtriser la langue française (et pas seulement l’orthographe, mais aussi toutes les règles de grammaire, de ponctuation, conjugaison…), de savoir donner vie à des personnages et de relater une histoire. Il est incontestable que sur chacun de ces sujets, tout auteur a beaucoup à apprendre. D’ailleurs, lorsqu’on dit écriture, il s’agit d’un abus de langage car il s’agit aussi bien d’écriture que de relecture et réécriture, cette phase cruciale, longue et chronophage, durant laquelle le livre est parfois profondément remanié et ne ressemble plus à sa version initiale. Ce n’est pas pour rien que les éditeurs traditionnels effectuent un important travail de correction et d’amélioration du manuscrit, quitte à demander à l’auteur (aussi célèbre et doué qu’il soit), de réécrire des chapitres entiers et de modifier son intrigue.
La technique et le souffle
Cependant, à force technique, travail de correction et de construction, l’écriture risque de perdre une forme de spontanéité et d’authenticité qui nuirait à la qualité de l’œuvre. Prenons deux exemples. Un grand nombre de best-sellers et de romans feel good ont des structures narratives similaires, des personnages formatés, un vocabulaire simple. Dans une certaine mesure, on peut fabriquer des best-sellers, on peut utiliser des recettes qui assurent au livre un certain succès (et nul mal à cela, à chaque auteur son ambition). A l’inverse, considérons la poésie, summum de la littérature en tant qu’art. Certains poèmes seront très beaux, parfaitement construits, mais ils n’éveilleront rien en nous. Ils demeureront creux, pareils à de beaux objets inanimés qui nous laissent de marbre.
Améliorer son écriture est possible mais ce n’est pas suffisant pour écrire un chef-d’œuvre ou toucher le lecteur
On peut donc apprendre à bien écrire et le devoir de l’écrivain est d’écrire du mieux qu’il peut. Mais ce qui est importe véritablement, c’est le message qu’il délivre au monde et la manière qu’il emploie pour le dire. Améliorer son écriture est possible mais ce n’est pas suffisant pour écrire un chef-d’œuvre ou toucher le lecteur. L’auteur acquiert la reconnaissance des lecteurs et des critiques grâce à sa vision, sa sensibilité et son originalité, soient autant de qualités qui ne peuvent pas s’apprendre. L’écriture, aussi belle et puissante soit-elle, demeure un instrument à la disposition de l’écrivain pour communiquer avec les lecteurs.
rougepolar
28 avril 2016 à 11 h 32 min
Très joli texte qui mérite réflexion ….
Dernière publication sur Rougepolar : Mes lectures de mai 2023
Myriam
29 avril 2016 à 7 h 32 min
Non seulement on peut, mais on doit. Ne serait-ce que pour éviter de polluer le fond de la mer littéraire avec des papiers gras, des barques sans fond, des sous-marin non étanches. Je crois que c’est une idée française très répandue, et reprise en chœur de nos jours, avec les indés, que seul l’écrivain n’a besoin d’aucune formation pour exercer son art. Alors qu’on le sait, le peintre, le musicien, le sculpteur et tous les autres créateurs, ont suivi une école -et parfois plusieurs. Il existe des lieux où se former à l’écriture. Un grand nombre ne sont que de vulgaire pompes à fric. La meilleure école en matière de littérature reste la lecture. Sélectionner les maestri. Les lire silencieusement. Les lire à haute voix. Les écouter, lus par des lecteurs. Prendre des passages entiers et les retaper consciencieusement sur son petit clavier. Ce serait ma suggestion. Pour ce qui est de diffuser ses œuvres, prendre le temps (celui de la relecture, de la réécriture -comme vous le dites-, celui du recul, de l’écoute des commentaires, de la digestion des commentaires. Le temps, enfin, de la lucidité. Après tout, écrire n’est-il pas avant tout un chemin?
thibaultdelavaud
1 mai 2016 à 17 h 22 min
Très joli commentaire. Je suis complètement d’accord avec vous.
Merci.
Jocelyne Barbas
27 avril 2018 à 10 h 45 min
Bonjour,
J’aimerais réagir à l’une de vos affirmations
« Cependant, à force technique, travail de correction et de construction, l’écriture risque de perdre une forme de spontanéité et d’authenticité qui nuirait à la qualité de l’œuvre. »
J’ignore l’origine de cette peur mais elle est coriace ! La spontanéité à l’écrit est souvent confondu avec la spontanéité à l’oral : cette fraîcheur de parole, de comportement, un état d’esprit. Beaucoup de débutants s’accrochent à leur brouillon de peur de perdre leur spontanéité et refusent tout travail sur leur texte. Il n’est pas abouti pourtant.
Cette spontanéité à l’écrit est reconstituée à l’aide d’un autre code. Et il faut beaucoup d’observation, d’acuité intellectuelle, de technique pour transmettre toute la spontanéité ressentie. Ce n’est pas l’excès de travail qui est condamnable, c’est rarement le cas, mais son absence…
Je me permets de partager avec vous ce constat personnel. Je forme depuis 1996 des écrivains. J’ai fondé L’esprit livre, un organisme de formation à distance pour former des écrivains : https://esprit-livre.com
jcb
4 août 2018 à 12 h 14 min
Bonjour,
Entièrement d’accord avec votre approche. Pour la partie « technique » si je peux me permettre, l’écrivain débutant trouvera en complément quelques « tuyaux utiles » à cette adresse : https://www.blogecrivain.com/ puis, choisissez un sujet dans le menu : « documentation »