La réponse à la question « peut-on prédire le succès littéraire ? » peut sembler évidente : non. Combien de livres ont connu des succès tout à fait inattendus ? Des centaines. En caricaturant, on pourrait dire que le succès est toujours une surprise. Les grands best-sellers mondiaux des quinze dernières années (Da Vinci Code, Harry Potter, 50 nuances de Grey…) ont surpris tout le monde : éditeurs, journalistes, lecteurs lambda (comme vous et moi). On peut évidemment trouver des raisons à ces succès (mais a posteriori seulement) et l’effet « boule de neige » a tendance à tout écraser : passé un certain seuil de ventes, un livre se vendra tout seul et raflera la mise aux dépends des autres qui disparaîtront des radars (songez aux livres de Ken Follett et Marc Lévy que vous avez lus par sécurité, recherchant une valeur sûre, aux dépens de ceux écrits par des auteurs moins connus mais peut-être meilleurs). Le succès littéraire est donc si imprévisible que cela ?
L’éditeur : prédire les succès à venir
Si le succès littéraire semble difficilement prévisible, rappelons d’abord que c’est le métier de l’éditeur (d’où sans doute, la difficulté dudit métier). Un éditeur, en lisant un manuscrit, doit évaluer si celui-ci a des chances de succès. Prenons le mot succès dans un sens large (nombre de ventes, reconnaissance…) et oublions les gros best-sellers : un éditeur peut par exemple publier un premier roman en espérant en vendre deux ou trois mille exemplaires (un chiffre très impressionnant pour l’édition traditionnelle) ou décrocher un prix littéraire.
Sur la base de critères précis, un éditeur estime si un manuscrit peut rencontrer du succès
Sur la base de critères précis (l’originalité de l’histoire, son traitement, le style…), un éditeur estime si un manuscrit est bon et s’il peut rencontrer du succès. C’est évidemment un pari, on ne peut jamais être sûr. Cette vision suppose également que la qualité du livre est garante du succès. Or, beaucoup diront que des livres comme 50 nuances de Grey sont de très mauvaise facture. Je pense qu’en réalité, tous les livres publiés sont de bonne qualité : ils sont passés par de multiples filtres et l’éditeur a décidé de parier sur ces ouvrages car ils peuvent rencontrer du succès auprès de différents publics (plus ou moins larges, certes). Dans leur genre, Guillaume Musso et Marc Lévy sont les meilleurs et leurs livres sont de grande qualité. Si un auteur ayant du succès publie un nouveau livre, inutile de dire que celui-ci se vendra, beaucoup de lecteurs l’achèteront les yeux fermés.
La qualité pour atteindre le succès
Un auteur qui entame la rédaction d’un manuscrit a pour ambition d’être lu par le plus grand monde. Il ne cherche pas nécessairement à écrire un best-seller de manière artificielle mais son objectif est de raconter une histoire de qualité, originale, avec un style propre et il souhaite transmettre son identité unique d’auteur (et si ce n’est pas le cas, il vaut mieux ne pas écrire). L’auteur, s’il ne s’attache pas littéralement à « prédire » le succès de son livre, s’emploie tout de même à travailler les points forts de son texte pour que celui-ci soit suffisamment bon pour atteindre le succès.
Mais une fois qu’un livre est publié (et qu’il est donc de qualité), il est difficile de prédire son devenir (j’ai d’ailleurs hésité à intituler cet article « La qualité est-elle garante de succès ? »). Beaucoup de facteurs comme le marketing, la visibilité, l’actualité et la concurrence du moment décideront du destin du livre, sans compter sur les commentaires Amazon, les critiques des bloggeurs… Bref, outre la qualité du livre, il n’existe qu’un seul et unique critère de succès : le hasard. Par un savant et inconnu mélange de circonstances, un ouvrage sortira du lot et sera remarqué par les lecteurs.
Outre la qualité du livre, il n’existe qu’un seul et unique critère de succès : le hasard
Et les livres autoédités ? Ils sont logés à la même enseigne sauf qu’ils ont un handicap de taille : être autoédité précisément. Entre deux livres de prime abord semblables, l’un étant autoédité, l’autre non, un lecteur choisira le livre édité par une maison d’édition, qui est une très bonne garantie de qualité. Le facteur chance est donc encore plus important pour les autoédités (en plus, certaines personnes ne lisent jamais de livres autoédités).
Un espoir à défaut d’être une garantie
Cette perspective peut paraître à la fois déprimante et enthousiasmante pour les auteurs. Déprimante car il est décourageant de remettre des mois voire des années de travail entre les mains de la chance. Enthousiasmante car cela signifie que tout est possible. Travailler son texte pour proposer aux lecteurs un livre de la meilleure qualité possible est indéniablement un atout majeur pour rencontrer le succès. Ce n’est évidemment pas une garantie mais en mettant toutes les chances de son côté et en proposant livre après livre des histoires originales et différentes, un auteur emprunte la route qui mène au succès. Et il n’aura aucun regret à nourrir.
Chris Simon
14 juillet 2016 à 21 h 57 min
Merci pour cet excellent article, Thibault. C’est une réalité de l’auteur et de tout artiste. Il ne faut donc pas abandonner, mais continuer d’écrire. Bon été !
Yannick A. R. FRADIN
17 juillet 2016 à 20 h 11 min
Bonjour Thibault,
Si le hasard et la chance sont des facteurs déterminants, la qualité du contenu est la première étape, primordiale et nécessaire, pour que le hasard et la chance puissent s’appuyer sur des fondations stables.
Je ne peux qu’être d’accord avec votre article.
D’ailleurs, m’est avis qu’on devrait viser la qualité de ses écrits avant de viser la publication.
Qu’est-ce qui est le plus important ? Être publié ou avoir un texte de qualité à proposer ? Le premier est indubitablement lié au second.
Au boulot donc, et ne confondons pas vitesse et précipitation
thibaultdelavaud
22 juillet 2016 à 8 h 26 min
Merci pour votre commentaire. Notons toutefois que si on s’autopublie, la qualité est d’autant plus primordiale qu’il n’y aura pas le filtre de l’éditeur. Tout dépend ensuite des aspirations et choix de chacun.
Marjorie Loup @ Auteure Créatrice d'Univers
25 juillet 2016 à 14 h 32 min
Bonjour Thibault,
Certes, j’ai toujours pensé de même, que le succès découlait en partie du facteur hasard. A l’ouest rien de nouveau, pour moi du moins.
Mais je sais aussi, et on n’en parle pas assez, serait-ce tabou ? qu’il faut écrire avant tout (hélas parfois) ce qui se VEND, tout simplement, quitte à ce que ce soit sous pseudo (Romance par exemple). Je sais que des auteurs connus le font sans forcément le dire bien sûr.
thibaultdelavaud
25 juillet 2016 à 22 h 22 min
Merci pour ton commentaire Marjorie. Je dirais que tout dépend de l’ambition de l’auteur : s’il vit de sa plume, il faut impérativement vendre des livres et il n’y a aucune honte à écrire des livres dans une perspective alimentaire. En revanche, certains auteurs auront une démarche plus « artistique » voire déconnectée des attentes des lecteurs… A chacun d’être en accord et en cohérence avec sa démarche.