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A la recherche d’un éditeur

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Je reprends la plume après littéralement des années de silence sur ce blog pour vous relater l’expérience (infructueuse) de la publication de mon premier roman.

Préparation

Retour en arrière. Nous sommes au printemps 2016. Je décide d’entamer la rédaction d’un roman, projet ô combien chronophage et ambitieux… D’autant plus que je n’ai aucune expérience en la matière, je n’ai écrit jusqu’à présent que des nouvelles… Le temps passe, j’écris de manière épisodique, pas autant que je le voudrais (l’écriture est pour moi une activité récréative, que je pratique uniquement sur mon temps libre) et puis, écrire un roman, surtout le premier, n’est pas chose aisée… Mais je progresse lentement et sûrement. Au début de l’année 2019, j’ai achevé le premier jet. Contrairement à ce que je pensais, les travaux de relecture et de réécriture me prennent beaucoup plus de temps que prévu. Pratiquement une année entière… En fin d’année, je tiens enfin un manuscrit abouti. Je fais alors appel à des correcteurs et à deux relecteurs professionnels pour qu’ils me donnent leurs avis (et ne pensez pas que ces étapes soient superflues, elles sont indispensables, même si c’est onéreux). Deux mois environ s’écoulent, le temps qu’ils réalisent les travaux demandés. Verdict des relecteurs : mon manuscrit tient la route, même s’il peut être amélioré en retravaillant certains passages ou en insistant sur tel point. Je procède donc à quelques retouches, j’effectue les ultimes relectures…  

Cahier

Nous sommes au mois de février 2020, tout est enfin achevé. Je ressens une immense fierté d’être venu à bout de ce projet. J’imprime quatre exemplaires de mon manuscrit et les fait relier. 360 pages au format A4, Times New Roman, interligne 1,5. Je prévois d’envoyer les manuscrits aux maisons d’édition par vague de quatre ou cinq, en les étalant dans le temps (cela peut sembler anecdotique mais préparer les impressions, les reliures et les envois à la Poste avec accusé / réception est non seulement coûteux et prend du temps).

Envoi

J’envoie un exemplaire à Gallimard, à Flammarion, à Actes Sud et à Grasset au cours de la première semaine de mars. Pourquoi ces quatre éditeurs ? Parce qu’ils sont parmi les plus prestigieux et parce que j’aime les livres qu’ils publient. Mais surtout, j’estime que leur ligne éditoriale correspond au genre de mon roman.

C’est le moment de parler davantage de mon livre. Il s’agit d’un roman d’anticipation, même si l’aspect « anticipation » est plutôt léger. Disons que mon livre est à mi-chemin entre la littérature « blanche » et l’anticipation. Ce format hybride serait-il une des raisons de l’échec ? Nous y reviendrons. Le ton du roman est sérieux, parfois sombre. L’intrigue se concentre sur le personnage principal qui va être le témoin d’événements singuliers dans la France du début des années 2040. J’ai eu la volonté de proposer au lecteur une réflexion sur les conséquences de l’essor de l’intelligence artificielle dans nos vies en m’intéressant aux aspects économiques, politiques et sociaux du bouleversement que je décris.

Revenons en mars 2020. Le cœur gonflé d’espoir, j’envoie donc mes manuscrits à ces quatre maisons, dont la ligne éditoriale est suffisamment généraliste pour pouvoir accepter un manuscrit comme le mien. Je prévoyais d’envoyer la deuxième vague début avril, puis la troisième deux semaines après… Mais le confinement a contrarié mes plans.

Cloîtré chez moi comme tout le monde, je ne peux plus envoyer de manuscrits. Je ne sais même pas si les éditeurs peuvent continuer de lire ceux qu’ils reçoivent (j’imagine que le télétravail est impossible pour une telle activité…). Je me console en me disant qu’au moins, j’ai réussi à envoyer quatre manuscrits in extremis

Le confinement se prolonge… Sa fin approche. Je lis que les Français ont profité du confinement pour écrire un livre, que les maisons d’édition sont submergées par les arrivées de manuscrits… Evidemment, ce sont des mauvaises nouvelles pour moi. Les chances pour mon roman de se démarquer baissent considérablement…

Bibiothèque

Confinement et première réponse

Alors que le confinement s’apprête à prendre fin, je reçois un courrier de Gallimard. Je devine hélas le contenu avant même d’ouvrir la lettre. Car si mon livre devait être publié, on ne m’aurait pas écrit, on m’aurait appelé… La lettre est froide, tient en quelques lignes. Mon livre n’est pas retenu pour la publication. Aucun motif de refus n’est avancé.

Mon moral en prend un sacré coup. Je formule des hypothèses : soit mon livre a été lu juste avant le confinement et a été éliminé d’office, soit, en raison du confinement, Gallimard a voulu réduire ses stocks de manuscrits à lire et a décidé de ne pas en prendre de nouveaux. Peut-être est-ce autre chose. Je ne saurai jamais.

Puis, je me console. Après tout, il y a encore beaucoup d’éditeurs… Je décide cependant de changer mes plans et d’attendre avant de procéder à de nouvelles vagues d’envoi. En effet, à cause du confinement, les maisons d’édition croulent sous les manuscrits, les calendriers de publication sont perturbés… Et comme Gallimard a répondu rapidement, peut-être en sera-t-il de même pour les autres maisons à qui j’ai adressé mon manuscrit ?

Je décide donc d’attendre. Les vacances arrivent. Je reçois finalement, à la fin du mois d’août, par email, des réponses négatives de Flammarion et d’Actes Sud. Aucun motif de refus n’est donné. À nouveau la déception… Et puis, ces questions qui deviendront toujours plus lancinantes : pourquoi ces refus ? Pour quels motifs ? Je demande à Flammarion s’ils peuvent m’expliquer pourquoi, je précise même que je suis prêt à tout entendre, que je souhaite juste m’améliorer… Mais ils m’indiqueront ne jamais motiver leur choix.  

Nous sommes au mois de septembre et la deuxième vague de l’épidémie se profile, faisant craindre un retour des restrictions. Je décide alors d’envoyer mon manuscrit à tous les éditeurs que j’avais identifiés, soit une douzaine : Albin Michel, Robert Laffont, Seuil, Fayard, Plon, P.O.L, Stock, JC Lattès… Au moment de procéder aux envois, je reçois finalement une réponse de Grasset, qui m’indique que mon roman ne se situe pas dans leur ligne éditoriale, comme un prélude à ce qui allait suivre.

Arbre dans la brume

Echec…

Le temps passe et je reçois les premières réponses dès la fin du mois d’octobre. Elles sont négatives. Je passerai les semaines suivantes à guetter avec anxiété le courrier et mes emails… Elles seront ponctuées de réponses négatives également. Il s’agit de courriers types, certaines lettres sont particulièrement bien formulées, comme celle d’Albin Michel expliquant : « vous devez savoir que les impératifs spécifiques de nos collections, d’une part, et un programme de publications déjà trop chargé, d’autre part, nous obligent à des choix très sévères, qui parfois nous laisse à nous-mêmes des regrets. » ou celle de P.O.L : « Malheureusement, notre production étant très réduite, nos choix sont d’autant plus restrictifs. Ainsi, nous a-t-il semblé que votre livre ne correspondait pas à ce que nous recherchions pour nos collections. » Fayard m’a gentiment répondu en s’excusant du délai de leur réponse et Stock m’a écrit presque dix mois après l’envoi du manuscrit que mon livre « ne s’inscrit pas dans [leur] ligne éditoriale, et ce malgré les nombreuses qualités soulevées. ». D’autres sont lapidaires. Plusieurs maisons n’ont pas répondu, parce qu’elles ne peuvent pas répondre à tout le monde (pour les plus petites maisons notamment et c’est en général bien indiqué sur leur site Internet) ou par oubli (ou manque d’élégance ?).

Beaucoup d’éditeurs ont justifié leur refus par le fait que mon livre ne s’inscrit pas dans leur ligne éditoriale. J’ignore s’il s’agit d’un motif sincère ou d’un prétexte, car j’ai lu des livres publiés par certaines de ces maisons qui sont similaires au mien…

Le mois de mars 2021 arrive. Je comprends que je ne recevrai probablement plus de réponse et qu’en conséquence, aucune maison ne souhaite publier mon livre. Un an auparavant, j’envoyai les premiers manuscrits… Voici donc comment s’achève l’aventure ?

…et mat

Je me penche alors sur les maisons d’édition de taille plus modeste. Je ne les avais pas identifiées au départ comme des cibles pour une raison bien simple : mon objectif était d’être lu par le plus grand nombre et les grandes maisons, outre leur renommée, ont des capacités de tirage et de diffusion qui permettent d’atteindre un vaste lectorat. Je précise que ce critère est très important pour moi car, ayant pratiqué l’autoédition, je sais combien il est difficile de toucher les lecteurs et cela a été l’une des raisons principales pour lesquelles je me suis détourné de l’autoédition.   

Depuis, je me suis rendu compte que ma vision des grandes maisons d’édition est en partie erronée. Ce n’est pas parce qu’elles publient un livre, surtout un premier roman, qu’il bénéficie d’une propulsion importante.

J’ai donc envoyé mon manuscrit à quelques « petites » maisons, celles que j’apprécie et dont la ligne éditoriale est en accord avec le genre de mon roman (enfin je l’espère car j’ai perdu toute certitude en la matière). A l’heure où j’écris ces lignes, j’attends encore quelques réponses mais je suis pessimiste et je crains que mon livre ne trouve jamais d’éditeur. 

La lecture d’articles et témoignages au cours des derniers mois sur l’édition ainsi que ma propre expérience m’inspirent des sentiments contraires. On dit qu’envoyer un manuscrit par la Poste revient à envoyer une bouteille à la mer et ce n’est pas tout à fait faux. Même si je savais que les chances d’être publié en envoyant son manuscrit par la Poste sont infimes, je ne pouvais m’empêcher d’espérer. Le pire est d’ignorer les raisons qui ont conduit au refus. Mon livre est-il raté ? Réussi mais pas suffisamment au point d’être publié ? Pas assez grand public ? Trop ennuyeux ? Aucune idée. Et c’est évidemment le plus frustrant car cela donne le sentiment d’avoir travaillé des heures et des heures pour rien et cela ôte toute possibilité d’améliorer son écriture pour un nouveau roman…  

De plus, le fonctionnement des maisons d’édition reste opaque, leurs critères de sélection flous… Quelles sont les chances d’un inconnu qui envoie un manuscrit ? Ce que j’ai pu recueillir comme informations me laissent penser que la subjectivité de l’éditeur demeure prépondérante. Bien sûr, un livre qui ne tient pas la route ne sera jamais publié mais les éditeurs indiquent rechercher des « voix », des « histoires fortes », de « l’émotion ». En soi, cela n’est pas choquant et c’est même plutôt logique mais cela veut dire que la rencontre entre un livre et un éditeur est un coup de foudre, avec tout ce que cela comporte d’irrationnalité et de subjectivité… Et comme les maisons (grandes comme petites) sont dans une position de force remarquable, avec des milliers de manuscrits reçus, elles peuvent se permettre d’être sélectives…

Literary

Que faire ?

Mon expérience est donc semblable à celle de milliers de personnes et elle ne fait que confirmer l’extrême difficulté pour un inconnu de se faire publier. Tout n’est cependant pas négatif et avoir écrit un roman est déjà en soi un bel accomplissement, qui m’a permis de beaucoup apprendre sur le processus d’écriture et de progresser. Ai-je commis des erreurs au niveau de la lettre de présentation du manuscrit ? Peut-être. Ai-je été trop ambitieux pour un premier roman ? D’un point de vue tactique, en tant que primo-romancier, n’est-il pas préférable de proposer une histoire simple, d’un genre bien défini, pour se faire publier et commencer à se faire un nom ? Je ne sais pas.

Même si cet échec est difficile et décourageant, le plus important est de continuer à écrire. Je n’imagine pas me lancer tout de suite dans l’écriture d’un second roman, mais le temps viendra probablement. Après tout, écrire est une passion. On écrit d’abord pour soi, pour satisfaire un désir. Devrais-je procéder différemment ? Peut-être mais que faire différemment ? Je ne pense pas avoir commis d’erreur flagrante, sans doute mon livre n’était pas apte à la publication. Une seule solution donc : se surpasser et écrire quelque chose d’exceptionnel.

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4 Commentaires

  1. Caroline Bordczyk

    10 octobre 2021 à 8 h 23 min

    Merci pour le partage de votre expérience… Et pas que…

    Répondre

  2. MALCOR Sophie

    20 octobre 2021 à 10 h 15 min

    Cher Thibault ! Je connais exactement les mêmes déboires avec les éditeurs depuis… trente ans. Depuis, j’ai réussi à contourner le problème et curieusement… mes livres ont trouvés leur public, loin des maisons d’éditions, petites et grandes. Je connais les raisons de mon insuccès. 1. Je ne possède pas un nom connu. 2. Je n’ai pas de réseau. Eh bé : m’en fiche pas mal ! J’ai eu l’opportunité de faire trois salons du livre… où je n’ai strictement rien rien vendu… mais où j’ai fait de belles rencontres. Heureusement parce que autrement c’est du temps de perdu.
    Je vous remercie de partager votre expérience, car cela m’évitera de perdre du temps et surtout de l’argent car imprimer un manuscrit non lu dans 99,99 % des cas – il suffit pour cela de jeter un œil sur la tranche pour cela – coûte cher. Quand on voit en plus où cela finit…
    C’est pourquoi j’ai pris les choses en main en procédant autrement. Vous êtes comme tout écrivain, vous voudriez avoir un ressenti sur votre travail. Avez-vous pensé aux plateformes qui enregistrent bénévolement des livres audio que l’on peut ensuite télécharger gratuitement ? C’est ce que j’ai fait. Je ne vais pas vous mentir, cela ne me rapporte pas un sou, mais certains de mes livres – sauf les deux plus récents – comptent… plus de 2000 téléchargements. Ces plateformes ne sont que trop contentes de pouvoir proposer des auteurs récents. Si jamais cela vous intéresse… Cordialement. Sophie MALCOR

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  3. Nathalie Bagadey

    15 novembre 2021 à 9 h 34 min

    Oh, ça alors, ça fait tout drôle de te relire ici !
    D’un côté cela fait plaisir d’avoir de tes nouvelles, de l’autre, je suis déçue pour toi, bien sûr et désolée de sentir ton découragement devant ces refus.
    Puis-je te rappeler que JK Rowling en a essuyé 12 pour Harry Potter ?
    Bernard Werber également, dont 3… de son éditeur actuel.
    Et le « clou » de Stephen King, celui auquel il accrochait toutes ses lettres de refus, est devenu célèbre également.

    Écris, c’est la meilleure façon de faire passer le temps, communique à ce sujet et je suis sûre qu’un jour tu atteindras ton Graal. Je te le souhaite, en tout cas ! :)

    Répondre

  4. Jean-Luc Durand

    5 juin 2022 à 15 h 03 min

    Bonjour Thibault,
    Merci de votre retour d’expérience. Se faire publier semble clairement un parcours du combattant, mais c’est logique au vu de la concurrence. On peut se consoler en se disant que c’est partout la même chose : toute activité gratifiante donne lieu à une compétition. A votre place je me lancerais dans l’écriture d’un second roman, pour entretenir la passion et faire une nouvelle tentative.
    Bonne chance pour la suite.

    Répondre

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